L'histoire et les lois

Déjà dans l’antiquité grecque et romaine, l’abandon était fortement ancré dans la société, et organisé sous forme de rituel de « l’exposition ». Il s’agit d’une possibilité pour les familles d’abandonner leur enfant. Cette pratique se faisait souvent devant un temple, pour que l’enfant soit par la suite recueilli. A la suite de cet acte, les Dieux grecs décidaient du sort de l’enfant. Dans cette société, le père avait le droit de vie ou de mort sur ses progénitures.

 

Au IVème siècle, l’église s’intéresse au sort des enfants en plaçant des berceaux devant leurs portes. Il s’agit de l’ancêtre des « Tours » (voir ci-dessous). Il y a donc une forte influence religieuse de la part des églises. 

 

Sous la Renaissance, en 1546, une première loi interdit l’exposition des enfants. Dix ans plus tard, l’Edit d’Henri II punit de mort les infanticides et impose aux femmes enceintes de déclarer leur grossesse et leur accouchement. En même temps, une salle est réservée aux femmes enceintes souhaitant abandonner et rester anonymes, à l’Hôtel-Dieu. Cette salle est évidemment secrète et les femmes s’y rendant doivent être discrètes.

 

Au XVIIème siècle, Saint-Vincent-de-Paul organise la prise en charge des enfants abandonnés pour éviter qu’ils ne meurent.

 

En 1638, chaque enfant accepté dans les églises sera recueilli dans un même établissement « l’œuvre des enfants trouvés ». Cette œuvre de charité est reconnue par un édit royal en 1670, il est intégré à l’Hôpital Général. Il s’agit donc de l’ »Hôpital des enfants trouvés ». C’est aujourd’hui l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Il devient au final une institution publique. Saint-Vincent-de-Paul instaurera une tour, placée sur le mur de l’hospice. La mère dépose son enfant dedans puis sonne la cloche. A ce moment précis, une « sœur tourière », de l’autre côté du mur, fait basculer le tour pour y récupérer l’enfant. Le premier tour est créé à Béziers en 1714. Un siècle plus tard, Lamartine  y voit encore « une ingénieuse invention de la charité chrétienne, ayant des mains pour recevoir, mais pas d’yeux pour voir, ni de bouche pour parler ». 

 

 

En 1774, la création du pontificat du Pape Clément XIV autorise l’accouchement sous X. Cette année-là, à Prague, l’Empereur Joseph II, l’autorise également. De ce fait l’accouchement sous X se répend dans toute l’Europe.

Durant la Révolution française la Convention déclare les enfants abandonnés comme « enfants naturels de la Patrie »

Le décret du 28 juin 1793, voté par la Convention, protège encore plus l’enfant qui est délaissé, l’Etat devient son tuteur et le prend donc a sa charge, puisque celui-ci est obligé de se charger de « de l’éducation physique et morale des enfants connus sous le nom d’enfants abandonnés ». Mais, pour la première fois, l’intérêt de la mère est également pris en compte. Ainsi, la loi oblige à chaque district de se doter d’une maison « où la fille enceinte pourra se retirer secrètement pour faire ses couches ». Elle prévoit également « qu’il sera pourvu par la nation aux frais de gésine et à tous ses biens produits le temps de son séjour qui durera jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement rétablie de ses couches : le secret le plus inviolable sera gardé sur tout ce qui la concerne ». Ce texte est révélateur d’un changement de mentalité vis-à-vis de l’enfant pris en charge par la nation. Mais ce texte ne survivra pas à la Révolution.

 

En 1803, seulement les personnes majeures peuvent être adoptées.

Le décret impérial du 19 janvier 1811 rend obligatoire les tours dans chaque hospice, ceci va permettre à beaucoup d’enfants de vivre. Il y en avait alors 251 en France. Cela fonctionne à Paris de 1817 à 1865. Mais les abus se multiplient, c’est-à-dire que certains parents profitent de la situation anonyme pour abandonner leurs progénitures et quelques minutes plus tard se présentent comme la famille d’accueil, ils récupèrent alors leurs propres enfants et obtiennent des aides financières. Un système de surveillance est donc mis en place. Il lui est aussi reproché la dépravation des mœurs. Puisque les femmes y laissent « le fruit de leurs conduites légères » (les « enfants du vice ») à l’Etat. Enfin, il lui est aussi reproché d’être un moyen de recrutement pour l’armée, puisque dès 12 ans les enfants recueillis à l’Assistance Publique peuvent être engagés dans l’armée. Cependant, les adversaires du système des tours proposent de les remplacer par des « bureaux ouverts », ils sont destinés  à inciter la mère à garder leur enfant en ayant un soutien financier.

De ce fait, les tours sont progressivement supprimés à partir de 1887.

Au XIXème  siècle, le fort nombre d’abandon est dû à la Révolution Industrielle, la misère, la guerre de 1870. L’abandon est un phénomène plutôt urbain tandis que l’infanticide est beaucoup plus fréquent dans les campagnes.

Une volonté « d’humaniser l’abandon » se met en place a partir de 1860, avec le remplacement du « tour » par un système de « local ouvert jour et nuit ». Il est qualifié comme « bureau ouvert ». Il s’agit d’un système où 24h sur 24h, les femmes appelées « abandonnantes », c’est-à-dire celle qui abandonnent leur enfant, sont accueillies dans l’anonymat. Il leur est proposé plusieurs moyens de secours.

En 1880, le professeur Adolphe Pinard et également obstétricien de renommée mondiale, créer une « œuvre d’assistance familiale à la mère ». Elle doit accueillir dans le secret plusieurs milliers de femmes par an, dans des refuges ou asiles.

En décembre 1889, les hôpitaux mettent en place une circulaire, qui est toujours en vigueur, rappelant la loi de 1793. C’est-à-dire un accueil anonyme des femmes enceintes. Elles peuvent consigner leur état civil dans un « pli » cacheté (en cas de décès) rendu intacte à leur sortie.

A partir de 1890, le Sénateur Paul Strauss, instaure en Ile-de-France, des « Maternités secrètes ». Elles ont pour but d’accueillir anonymement des femmes et également de les aider à élever leurs enfants en évitant tout opprobre social, ceci en cas de solitude. Mais cette loi ne sera pas appliquée en pratique, même si en théorie, la possibilité d’accoucher en secret est maintenue tout au long du  XIXème siècle. Une tentative réglementaire est instituée au début du XXème siècle, permettant de retrouver ce statut, avec la création de circulaire des hôpitaux du 15 décembre 1899.

 

La loi du 27 juin 1904, fut instaurée en réponse à une baisse de la démographie, dûe à la guerre de 1870. Elle supprime le tour et le remplace par « un local ouvert le jour et la nuit, sans autre témoin que la personne proposée au service d’admission ». Cela permet de réduire les abandons. Celle-ci permet l’accouchement dans le secret pour pouvoir réduire l’infanticide et augmenter les pensions qui sont versées aux nourrices.

Grâce à la pédopsychiatrie et la psychologie infantile du XXème, il y a une réelle prise de conscience. Pour vivre, un enfant n’a pas seulement besoin de nourriture mais également d’affection. Cette idée incitera les femmes à garder leur enfant.

 

La Première Guerre Mondiale, cause une forte dépopulation, dûe à la mort d’hommes, laissant des veuves et des orphelins. Après cette guerre, l’Etat décide de lutter contre les IVG. De ce fait depuis le 31 juillet 1920, une interruption de grossesse est considérée come un crime. Les femmes qui avortent et celles qui les aident, sont jugées en cours d’assisse et sont punies d’un an à cinq ans d’emprisonnement, en plus d’une forte amende. Dans le même temps l’adoption des mineurs est devenue légale.

Durant la Seconde Guerre Mondiale, pendant le régime de Pétain  l’avortement est considéré comme « un crime contre l’Etat ». De ce fait plusieurs sages-femmes ont été condamnées aux travaux forcés.

Le régime de Vichy repose sur deux garanties :

  • Le décret de loi du 2 octobre 1941, légalise l’accouchement secret dans les maternités. Il instaure également la gratuité des soins et de l’hébergement. Durant ce temps, l’interdiction de la contraception et de l’avortement est radicalisé, ils sont criminalisés et donc passibles d’une peine de mort. Mais celui-ci sera abrogé tandis que la gratuité sera insérée dans le code de l’action familiale (article 47) en 1953. Mais l’article 42 du CFAS (code de la famille) prend le relais avec un contenu identique. De 1950 à 1960, le secret de la maternité est énormément utilisé, il y a eu environ 10 000 enfants abandonnés chaque année.

En 1956 l’assistance publique devient l’Aide Social à l’Enfance (ASE).

  • Le décret de janvier 1959, qui est toujours en vigueur complète le CFAS, « lorsque le secret est demandé, les frais de séjour et d’accouchement seront pris en charge par l’ASE. Aucune pièce d’identité ne sera exigée. Il ne sera procédé à aucune enquête ».

 

Durant tout le XIXème siècle jusqu’en 1966, tous les enfants qui étaient confiés, portaient un signe de reconnaissance, tel qu’un bracelet, une médaille… Des professionnels s’occupaient aussi d’inscrire dans des dossiers, des informations pour pouvoir permettre aux familles biologiques de retrouver leur enfant. Mais depuis 1966, ces professionnels ont arrêtés de mettre des informations identitaires dans les dossiers, avant de ne plus mettre du tout. C’est pour cela que les enfants nés sous x entre 1969 et 1990 revendiquent un changement de loi ou de pratiques. En 1966, la loi sur l’adoption maintient un délais de 3 mois pour que la mère annule sa décision.

En janvier 1974, un décret s’occupant du fonctionnement des services hospitaliers ainsi que des maternité précise que « les personnels des services hospitaliers n’ont pas le droit de faire enquête et d’exiger son identité à une femme qui demande le secret de l’accouchement.

Grâce à la loi du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers, aux libertés, donne le droit de communication des informations détenues par l’administration. Cette même année, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (Cada) est crée.

En 1979, le Droit des Pupilles de l’Etat à leurs origines (Dpeo) est crée.

En 1992, la Coordination des Actions pour le Droit à la Connaissance des Origines (Cadco) est crée.

En 1993, le parlement décide de donner un caractère irréversible à l’accouchement secret en l’inscrivant dans le code civil article 341-1. « Lors d’un accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservée » sans besoin de filiation entre la mère et l’enfant. Cette loi a également permis au père d’effectuer une reconnaissance préalable.

Le 5 juillet 1996, la loi Mattéi simplifie les conditions de l’adoption, aménage les dispositions relatives au secret des origines et renforce les droits sociaux des adoptions. Elle légalise  cette pratique de collecte et de conservation d’éléments non identifiants recueillis auprès des mères qui accouchent sous X. Elle remplace la notion de « secret de l’état civil de l’enfant » par « secret de l’identité des parents ». De ce fait le lieu, la date et l’heure de naissance de l’enfant seront conservées. Puisque ces trois informations ainsi que le nom, le prénom et le sexe de l’enfant permettent la rédaction d’une déclaration de naissance. Celle-ci prévoit un accompagnement psychologique et social des femmes. Elle autorise également la réversibilité de l’anonymat permettant à chaque femme de faire reconnaître son identité. Malgré la mise en place de cette loi, beaucoup de personnes veulent la suppression complète de l’accouchement secret. Puisque les auteurs de cette demande disent avoir le « droit à la connaissance de ses origines ».  Ils se réfèrent donc à la Convention des droits de l’enfant qui dit que tous les enfants ont le droit de connaître leurs parents, un droit inscrit pour pouvoir lutter contre les enlèvements d’enfants qui ont lieu dans certains Etats.  Des débats renvoient le droit des femmes face au droit des enfants. Puisque si l’accouchement sous X est issu du droit de la femme a ne pas vouloir devenir mère, il résulte également d’une conception de la filiation inscrite dans notre droit. Il réduit également le délai de rétraction de la mère à 2 mois.

En mai 1998, l’ « Association des Mères de l’Ombre » (Amo) est créée.

 

Le 17 janvier 2001, Ségolène Royal présente un projet de loi relatif aux origines professionnelles et propose de créer le CNAOP, au Conseil des ministres.

 

Enfin la loi du 22 janvier 2002, crée un Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles (CNAOP). La loi « relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’Etat » est votée. 

 

La loi permet de laisser des informations pour l’enfant, la possibilité d’annuler l’anonymat. La possibilité de laisser son identité sous pli fermé à l’intention de l’enfant. La possibilité de laisser des renseignements non identifiants qui permettront de comprendre les circonstances. Et enfin la possibilité de laisser son identité dans le dossier où l’enfant pourra la retrouver.