Un exemple à Lille
Il s'agit d'un exemple datant de 1975, Myriam a 14 ans quand elle apprend qu’elle attend un enfant : “J’ai découvert ma grossesse sur le tard. Mes parents ont alors fait pression pour que j’accouche sous X. L’honneur de la famille serait ainsi préservé. Je leur ai proposé pourtant qu’ils adoptent mon enfant, pour ne pas en être séparée. Mais ils ne voulaient pas de cette solution, de peur que je fasse un jour valoir mes droits sur cet enfant.
Pendant les quatre mois de grossesse qu’il me restait, j’ai dû me cacher des regards. Je ne fréquentais plus l’école, dès qu’on sonnait à la porte, je montais me cacher. Une énorme comédie a été orchestrée par mes parents : pour les gens de l’extérieur, je souffrais d’une dépression qui m’obligeait à me terrer chez moi.
Le jour de la naissance, je suis partie à Lille accoucher dans l’anonymat le plus total. J’ai trouvé ce système très violent car je n’ai pu laisser aucune trace de moi pour ma fille. Je ne l’ai même pas aperçue ; le personnel hospitalier l’a directement emmenée loin de moi et il m’était interdit de la voir dans les jours qui ont suivi. Cette période a été très difficile à vivre : à la maternité, j’entendais des bruits d’enfants. Mais je devais rester dans ma chambre et étais complètement coupée de mon bébé. Je ne pardonnerai jamais à mes parents de m’avoir forcée à accoucher dans l’anonymat, même si mon père, qui sait que j’essaie de retrouver ma fille, me soutient et l’accueillerait à bras ouverts.
Aujourd’hui, j’ai fondé une famille qui est au courant de cette histoire. J’ai deux garçons et une fille. Mais je considère avoir quatre enfants. Pas un jour ne passe sans que je pense à celle née sous X. J’ai essayé de la retrouver via Internet. En vain ! Je ne connais pas son prénom, je ne sais pas si elle a été adoptée, si elle est toujours en vie. Je possède uniquement sa date de naissance et paraît-il, à l’époque, pour brouiller les pistes, certains enfants recevaient une nouvelle date de naissance.
Je voudrais lui raconter son histoire, lui dire d’où elle vient. Je me sens coupable : selon les dires, les nés sous X gardent un certain traumatisme de cette absence de racines. J’aimerais qu’elle ne connaisse pas cette souffrance. Je ne veux pas l’accaparer : elle ne me considérera sûrement jamais comme sa mère et je le comprends. Mais je veux qu’elle sache que je ne l’ai pas abandonnée parce que je ne l’aimais pas. Elle tient une place dans mon cœur au même titre que mes autres enfants.”